Le bus s’approche de Sibiu. La fatigue fait place à l’excitation. J’ai la même impression que le fidèle qui arrive au culte du dimanche, après une semaine de travail où il a essayé tant bien que mal de vivre sa foi et de témoigner de ses convictions. Il arrive au culte pour retrouver des frères et des sœurs, pour se ressourcer. Il prend le temps de se replacer face à la Parole de Dieu. Les Eglises d’Europe aussi tentent tout au long de l’année de tenir leur place dans leur pays, de prendre leur part à l’édification d’une société juste, accueillante, tolérante. Et parfois elles manquent de souffle, elles s’épuisent, elles s’isolent dans leurs problématiques internes. Alors, comme les fidèles, elles ont besoin de se retrouver, de se placer ensemble face à Dieu.
J’arrive donc avec le désir de nourrir ma fibre œcuménique, de raviver ma conviction qu’une Eglise se perd à ignorer ce que vivent mes autres. Cela, je le sais intellectuellement, spirituellement, théologiquement. Mais j’ai besoin très concrètement de rencontrer d’autres chrétiens : me laisser porter par la liturgie orthodoxe, vibrer aux chants de Taizé, partager le quotidien d’un prêtre catholique. Besoin de sentir l’apport de chaque tradition à la compréhension de l’Evangile et de la mission de nos Eglises aujourd’hui. Et ce matin, je n’ai pas été déçu.
Mgr Kasper, catholique, a mentionné le récent document de Benoit XVI, mais en exprimant sincèrement sa peine qu’il ait blessé les autres Eglises. Il a insisté pour que les Eglises approfondissent leurs divergences, puisque leurs convergences sont maintenant bien admises. Le métropolite Cyril de Smolensk (orthodoxe), méditant sur « la lumière du Christ et les Eglises », thème de la journée, a défendu la thèse d’une Europe à bâtir selon les valeurs chrétiennes, reposant sur les « normes de vie contenues dans les Ecritures », dénonçant au passage les Eglises qui prennent des libertés avec cette morale éternelle (entendez les Eglises protestantes de l’ouest européen). L’évêque Huber, luthérien, a conclut la matinée en rappelant que la lumière du Christ n’illuminait pas une seule Eglise, que la sécularisation était une chance plutôt qu’une menace pour le témoignage des Eglises et pour nos sociétés. Le libéralisme tant décrié par l’orateur précédent est aussi le gage de la liberté pour chacun de vivre selon ses convictions et sa religion.
Le débat est bien lancé. Dans les ateliers de l’après-midi, place à l’approfondissement du thème à travers les ateliers « Unité », « Spiritualité », « Témoignage ». Place surtout au dialogue et à la rencontre.
Didier Crouzet, Eglise réformée de France.