Il parait qu’il y une grande consonance entre les valeurs européennes, telles que Jan Fliegel, commissaire à l’éducation et à la culture de la commission européenne, les a présentées, et les valeurs chrétiennes. Démocratie, tolérance, liberté de parole, respect, dialogue, etc. font bon marché et sont largement reconnues maintenant comme des valeurs indispensables pour la construction européenne. Jamais, les états et les Eglises de l’Europe n’ont été aussi proches. Dieu merci.
Mais est-ce si évident ? Suffit-il de constater que ces valeurs sont communes ? Les valeurs européennes, certes d’inspiration chrétienne, peuvent-elle parler d’elles-mêmes, avec une évidence qui va de soi ?
L’évêque de Londres, Richard Chartres, lors de son intervention du mercredi 6 septembre, s’est exprimé là-dessus d’une manière claire : it is absolutely not self evident that all beings are of equal value (il n’est absolument pas évident que tous les êtres humains sont égaux). Les valeurs européennes ne sont pas immuables. La démocratie que les grecs ont léguée à l’Europe avait besoin de la foi chrétienne pour que des siècles plus tard, les esclaves reçoivent aussi l’accès à celle-ci. Autrement dit il n’y a pas de valeur en soi. Il nous faut encore un dernier mot, une dernière imagination de Dieu, une voix prophétique pour les orienter vers la venue du règne du Christ.
Le métropolite Kyrille de Smolensk et Kalingrad, lors de son intervention du mardi 5 septembre n’était pas loin de ce même constat. Pour lui les valeurs séculaires ne suffisent pas non plus. Au contraire, il faut se battre « for a single public christian morality », une morale chrétienne publique sous les ailes de l’Eglise. Il est peut-être vrai que l’Etat séculier s’occupe de la deuxième table de loi, l’Eglise néanmoins possède les deux... et a donc la capacité récapituler toute vie publique sous son autorité.
L’évêque et le métropolite s’accordent sur une certaine analyse des valeurs européennes et de l’importance de la foi chrétienne pour la construction européenne afin d’éviter un consensus illusoire entre les Eglises et les Etats de l’Europe. Leurs conceptions du rôle de la chrétienté dans la construction européenne, en revanche, diffèrent radicalement.
Là où Kyrill cherche la restauration d’une Europe chrétienne, l’évêque de Londres intègre l’époque des Lumières et nous invite à persévérer et insister sur les paroles d’évangile qui mettent les valeurs séculières devant l’inattendu de l’action de Dieu, devant le « Novum » de la promesse de la foi chrétienne afin de laisser le dernier mot à l’Espérance. Que Dieu nous laisse voir sa volonté dans cette Europe en pleine mutation.
Restauration de la création ou aspiration d’une nouvelle création ? Récapitulation ou Novum ? Ouest ou Est. Heureusement Sibiu n’a pas tranché ! (JAR)